De la Corruption en Occident

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Isaac Newton (1642-1727)

La raison, certes, est faible quand on la compare à sa tâche qui ne finit jamais; faible, en effet, quand on la compare aux folies et aux passions de l’humanité, qui, nous devons le reconnaître, contrôlent presque entièrement nos destinées humaines, dans les grandes comme dans les petites choses. Mais les œuvres de l’intelligence survivent à l’affairement bruyant des générations et répandent de la lumière et de la chaleur à travers les siècles. Consolés par cette pensée, retournons dans ces jours inquiets à la mémoire de Newton qui, il y a trois siècles, a été donné à l’humanité.

Penser à lui, c’est penser à son œuvre. Car un tel homme peut être compris seulement si on pense à lui comme à une scène sur laquelle s’est déroulé la lutte pour la vérité éternelle. Longtemps avant Newton, il y avait des esprits vigoureux qui pensaient qu’il devait être possible de donner, par des déductions purement logiques à partir d’hypothèses physiques simples, des explications concluantes de phénomènes perceptibles par nos sens. Mais Newton fut le premier à réussir à trouver une base clairement formulée, d’où il pouvait déduire un vaste champ de phénomènes, au moyen de la pensée mathématique, d’une manière logique, quantitative et en harmonie avec l’expérience. En effet, il aurait bien pu penser que la base fondamentale de sa mécanique pourrait, avec le temps, fournir la clé pour comprendre tous les phénomènes. Ainsi pensèrent ses élèves – avec plus d’assurance que lui-même – et ainsi ses successeurs, jusqu’à la fin du XVIII ième siècle. Comment ce miracle a-t-il pris naissance dans son cerveau ? Le lecteur me pardonnera cette question illogique. Car si, par la raison, nous pouvions traiter le problème du « comment », il ne serait plus alors question de miracle au sens propre du terme. C’est le but de toute activité de l’intelligence de transformer un « miracle » en quelque chose qu’elle a saisi. Si, dans ce cas, le miracle se prête à être transformé, notre admiration pour l’esprit de Newton devient par là seulement plus grande.

Galilée, par une interprétation ingénieuse des faits les plus simples de l’expérience, avait établi la proposition : un corps sur lequel n’agit aucune force extérieure conserve d’une façon permanente sa vitesse originelle (et sa direction); s’il modifie sa vitesse (ou la direction de son mouvement), le changement doit être rapporté à une cause extérieure.

Pour utiliser cette connaissance quantitativement, les conceptions de vitesses et de taux de variation de vitesse – c’est-à-dire l’accélération dans le cas du mouvement donné d’un corps conçu comme étant sans dimension (point matériel) – doivent être d’abord interprétées avec une exactitude mathématique. Cette tâche conduisit Newton à inventer la base du calcul différentiel et intégral.

Ceci étant en soi une réalisation créatrice de premier ordre. Mais pour Newton, comme physicien, c’était simplement l’invention d’un nouveau genre de langage conceptuel, dont il avait besoin pour formuler les lois générales du mouvement. Pour un corps donné, il pouvait maintenant avancer l’hypothèse que son accélération, formulée avec précision, en grandeur aussi bien qu’en direction, était proportionnelle à la force exercée sur lui. Le coefficient de proportionnalité qui caractérise le corps relativement à son pouvoir d’accélération, décrit complètement le corps (sans dimension) en ce qui concerne sa qualité mécanique; ainsi fut découverte la conception fondamentale de masse.

Tout ce qui précède pourrait être décrit – bien que de la façon la plus modeste – comme une formulation exacte de quelque chose dont l’essence avait déjà été reconnue par Galilée. Mais on n’avait nullement réussi à résoudre le problème principal. En d’autres termes, la loi du mouvement fournit le mouvement d’un corps seulement quand la direction et la grandeur de la force qui s’exercent sur lui sont connues à tout instant. Ainsi, le problème se ramenait à un autre problème : Comment trouver les forces agissantes ? A un esprit moins audacieux que celui de Newton, il aurait paru sans issue, quand on considère l’immense variété d’effets que les corps de l’Univers semblent produire les uns sur les autres. De plus, les corps dont nous percevons ne sont nullement des points sans dimension – c’est-à-dire perceptibles comme points matériels. Comment Newton devait-il traiter un chaos pareil ?

Quand nous poussons une voiture se déplaçant sur un plan horizontale sans friction, la force que nous exerçons sur elle est donnée directement. C’est là le cas idéal d’où la loi du mouvement est déduite. Que nous n’ayons pas ici affaire à un point sans dimension paraît peu important.

Comment en est-il alors d’un corps qui tombe dans l’espace ? Un corps en chute libre se comporte d’une manière presque aussi simple qu’un point sans dimension. Si l’on regarde son mouvement comme un tout. Il est accéléré vers le bas. L’accélération, conformément à Galilée, est indépendante de sa nature et de sa vitesse. La Terre, bien entendu, doit être décisive pour l’existence de cette accélération. Il paraissait alors que la Terre, par sa seule présence, exerçait une force sur le corps. La Terre est composée de beaucoup de parties. L’idée paraissait inévitable que chacune de ces parties affecte le corps qui tombe et que tous ces effets sont combinés. Il semble alors exister une force que les corps, par leur seule présence, exercent les uns sur les autres à travers l’espace. Ces forces paraissent être indépendante des vitesses, elles dépendent seulement de la position relative et d’une propriété quantitative des corps variés que les exercent. Cette propriété quantitative pourrait être conditionnée par la masse, car la masse paraît caractériser le corps du point de vue mécanique. Cet étrange effet des choses à distance pourrait être appelé gravitation.

Maintenant, pour obtenir une connaissance précise de cet effet, on n’a qu’à trouver l’intensité de la force que deux corps d’une masse donnée exercent l’un sur l’autre à une distance donnée. En ce qui concerne leur direction, elle n’est probablement pas autre chose que la ligne qui les relie. Finalement, ce qui reste inconnu est seulement la manière dont cette force dépend de la distance entre les deux corps. Mais cela, on ne peut pas le savoir a priori. Ici, l’expérience seule pourrait être utile.

Une telle expérience, cependant, était à la disposition de Newton. L’accélération de la lune était connue à partir de son orbite et pouvait être comparée avec l’accélération d’un corps en chute libre à la surface de la terre. En outre, les mouvements des planètes autour du soleil avaient été déterminés par Kepler avec grande exactitude et traduits en lois empiriques simples. Il fut ainsi possible d’affirmer comment les effets de la gravitation venant de la terre et ceux qui viennent du soleil dépendaient de la distance. Newton trouva que tout pouvait s’expliquer par une force qui est inversement proportionnelle au carré de la distance. Et avec cela le but était atteint, la science de la mécanique céleste était née, confirmée des milliers de fois par Newton lui-même et ceux qui sont venus après lui. Mais qu’en est-il du reste de la physique ? La gravitation et la loi du mouvement ne pouvaient pas tout expliquer. Qu’est-ce que déterminait l’équilibre des parties d’un corps solide ? Comment fallait-il expliquer la lumière, les phénomènes électriques ? En introduisant des points matériels et des forces d’espèces différentes qui agissent à distance, tout paraissait pouvoir être déductible d’une manière satisfaisante de la loi du mouvement.

Cet espoir n’a pas été réalisé, et personne ne croit plus à la solution de tous nos problèmes sur cette base. Néanmoins, la pensée des physiciens d’aujourd’hui est à un haut degré conditionnée par les conceptions fondamentales de Newton. Jusqu’à maintenant, il n’a pas été possible de substituer à la conception unifiée de l’univers de Newton une conception similaire, unifiée et globale. Mais ce que nous avons obtenu jusqu’à présent aurait été impossible sans le clair système de Newton.

De l’observation des étoiles sont principalement venus les instruments intellectuels indispensables au développement de la technique moderne. De l’abus de cette dernière à notre époque, des intelligences créatrices comme celle de Newton sont aussi peu responsable que les étoiles mêmes, dont la contemplation donna des ailes à leurs pensées. Il est nécessaire de le dire, parce qu’à présent l’estime portée aux valeurs intellectuelles pour elles-mêmes n’est plus aussi vive qu’elle l’était dans les siècles de la renaissance intellectuelle.

Ce texte provient du livre : "Conception Scientifiques" aux éditions Flammarion, que vous pouvez commander en vous rendant à la page des liens, livres et commentaires pertinents

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